Une grande enquête en deux parties sur la place de la femme dans les milieux web d'extrême-droite.

Britanny avec son collier "thot" lors de son débat avec Roosh V

Britanny avec son collier "thot" lors de son débat avec Roosh V

En cette première semaine d’avril 2018, les températures grimpent enfin et les femmes peuvent se découvrir d'un fil. Les moins frileuses peuvent même déjà prendre quelques photos pour l’occasion et poser vêtue d’un simple caraco en satin. C’est ce que s’était dite 50kg de Nervosité, la patronne du site Bellica, par ce début de printemps…

Ce sein que je ne saurais voir (1/2)

Or nous sommes sur les réseaux sociaux et donc advint le commentaire qui mit le feu aux poudres :

Ce sein que je ne saurais voir (1/2)

CRAC BOUM HUE ! En effet, au premier abord, on voit juste une photo qui, si elle avait été une peinture, n’aurait pas dépareillé dans le mouvement préraphaélite. Au deuxième regard, on aperçoit en effet du téton qui pointe et finalement, on se dit que « boarf, c’est la nature » et ainsi 50kg et ses fans remettent les petits ayatollahs de Twitter à leur place

Ce sein que je ne saurais voir (1/2)
Ce sein que je ne saurais voir (1/2)

Ce petit Internet drama passerait inaperçu s'il n’était symptomatique de la place et du rôle des femmes dans le mouvement d’une partie de la droite. Il y a déjà peu de figures féminines non-gauchistes dans les médias mainstream (Polony, Bastié, Lévy, etc.) mais en ce qui concerne la « dissidence » 2.0 française, on peut juste les compter sur les doigts d’une main : Electre a été renvoyée dans l’underground, Virginie Vota a sa fanbase mais n’attire pas les foules, 50kg de Nervosité fait son boulot et voit ses articles de Bellica parfois relayé sur les réseaux et…. et…. Hé bien en fait c’est déjà presque tout. On a la nouvelle venue Praveena qui monte dans le milieu mais qui n’a pas encore montré de positions tranchées pour le moment (hormis peut-être dans ses lives avec le Raptor Dissident). Il faut néanmoins avouer que les femmes francophones qui font principalement de la politique sur Youtube ne cassent pas la baraque : en prenant le cas de Tatiana Ventôse, sa chaîne perso est à 38K d’abonnés tandis que sa chaîne « Le fil d’actu » est à 60K. Autant dire qu’on se croirait dans une classe d’informatique avec une aussi faible présence féminine.
 
On peut dès lors se demander si cette faible représentativité est propre au milieu francophone, s'ill n’y a pas une auto-censure (ne fût-ce qu’au regard des lois) ou une peur du backlash du fait de son sexe dans un milieu majoritairement masculin (alors que les femmes sont une composante non-négligeable de l’électorat du FN).
 
Pour avoir une autre vision du problème, on peut se pencher sur la droite américaine. Hasard des choses, pendant qu’en France ça veut censurer un téton, ailleurs ça masque un bout d’épaule :

Ce sein que je ne saurais voir (1/2)

Avec son demi-million d’abonnés sur Youtube, Lauren Southern est la jeune femme la plus en vue dans ce qui serait perçu en Europe comme l’extrême-drooaaate (« La bête immonde », tout ça…). Ayant anciennement travaillé pour le média canadien alternatif « Rebel Media », elle est maintenant à son compte et tourne ses vidéos aux 4 coins du monde. Malgré la gravité de ses sujets, la demoiselle sait aussi apporter une touche d’humour et de fraîcheur quand il faut (comme son tuto maquillage). La femme idéale en quelque sorte...
 
Hormis que dans les méandres du net, le gain de popularité de Trump lors des élections US et des femmes acquises à sa cause créent une nouvelle situation, où l’arrivée de cette nouvelle frange de population, dans un milieu à tendance conservatrice, tend à créer la suspicion et les moqueries. On se retrouve dans le schéma typique de cour de récré façon « J’écoutais déjà The Exploited dans les années 80, c’est moi le vrai fan et pas toi ». Voir à ce sujet la vidéo de Brittany Venti uploadée en juillet 2017 (attention, humour au Xe degré) sur comment être une #MAGA Girl (ou une right-wing-fu) et qui préfigurait la shitstorm à venir :

What a REAL Conservative Female Looks like in 2017 .

Entretemps, il convient de revenir sur le modèle de rémunération de Youtube et l’Apocalypse qui s’abattit sur les youtubeurs durant le printemps 2017. Suite à des  publicités apparaissant sur des vidéos au contenus jugé « extrémiste », une partie des annonceurs quittèrent la plateforme et Youtube tenta de corriger le tir en démonétisant nombre de vidéos qui paraîtraient trop « non-familiales ». Les youtubeurs/youtubeuses victimes de cette nouvelle politique se tournèrent donc vers des sources de revenus dérivés comme le merchandising ou le don pur et simple via le site Patreon. Dès lors, pour garder (ou augmenter) leurs revenus, les youtubeurs doivent inciter leur public à leur verser de l’argent et la phrase « Checker ma page Patreon » devient aussi classique que « N’oubliez pas de vous abonner à ma chaîne ». La recherche pécuniaire devient dès lors plus visible pour le public que dans l’ancien système basé sur les nombre de vues youtube.
 
A côté de ça, il faut prendre en compte que le suprémacisme blanc américain jure par les « 14 words (14 mots) » : « We must secure the existence of our people and a future for white children (Nous devons sécuriser l’existence de notre peuple et le futur des enfants blancs) ». On notera que cette affirmation implique qu’il y ait une descendance (les enfants). Aussi, Lauren Southern a relayé le principe du Grand Remplacement de Renaud Camus auprès de son public anglophone durant l’été 2017.
 
Faisons maintenant une avance rapide jusqu’à la fin novembre 2017 où Lauren crée une vidéo parodiant les célibattantes (célibataires et fières de l’être) : How to be the single.

Une minorité pointe le fait que même si elle se moque de ce genre de femmes, elle en a quand même le mode de vie et que si elle était vraiment conservatrice/traditionaliste, elle devrait déjà être mère de famille. S’ensuivra le lendemain une vidéo sérieuse où elle en est presque à s’excuser de ne pas encore avoir su fonder un foyer à 22 ans : Why I'm not married.

Les jours passent et on s’active dans les tréfonds du web à chercher des éléments à charge dans son passé. Deux dossiers referont surface : une photo où elle se tient de façon trop amicale avec un ami noir et quelques photos de cosplay où il s’avère que le métisse qui l’accompagne était un de ses ex.

Ce sein que je ne saurais voir (1/2)

S’ensuit une énorme shitstorm dans l’alt-right où Lauren Southern se fera traîner dans la boue avec l’image d’une traîtresse à sa cause. La polémique s’étendra aux autres youtubeuses de droite US et chacune sera suspectée d’être juste dans le youtube game pour l’argent (ou pire : répandre des idées de gauche) et d’être des poseuses. C’est à ce moment là que l’acronyme THOT (pour « that ho over there » qui signifie « cette pute là-bas ») deviendra populaire et surtout son dérivé, TradThot, qui sert à désigner les « fausses traditionalistes ». Mentalité internet oblige, on a évidemment eu droit à des campagnes de harcèlement et de montages photos. Si 4 Chan était francophone, on aurait sans doute ressorti les chansons de Nettoyage Ethnik et Supreme MRAP.

Ce sein que je ne saurais voir (1/2)

Une partie de la communauté qui n’adhérait pas à cette chasse aux sorcières s’est demandée si vu l’anonymat, ça n’était pas un coup des antifas sous faux-drapeaux pour décrédibiliser l’alt-right et écarter une partie de son public. Il n y aura sans doute jamais de réponse mais l’une des rares figures IRL à avoir participé à la mise à mort des youtubeuses sera Roosh V. Le gars est issu du milieu PUA mais s’en est écarté pour s’orienter vers le radicalisme du mouvement masculiniste MGTOW (« Men Going Their Own Way »). Dans le passé, son site Return Of Kings a acquis de la popularité lors du GamerGate (trop long à résumer, il faudrait tout un bouquin) où il détourna la fronde anti-journalistes pour l’orienter vers son combat anti-féministes.

 

Article de ROK sur le Thotgate.

Vidéo de Roosh V : Tradthots are not trad.

Article d'Alt-Right.

 

 

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