Michel Drac est-il complotiste ? Non.

La pensée complotiste est aujourd’hui tellement répandue que le terme « complotisme » a fait son entrée dans le dictionnaire en 2017. Dans la mesure ou il s’agit pour nous aujourd’hui de débattre de l’appartenance supposée de Michel Drac à la tendance complotiste, je vais profiter de cette nouvelle définition pour introduire et cerner le sujet que nous abordons. 

Le Larousse 2017 nous indique que complotiste « se dit de quelqu’un qui récuse la version communément admise d’un événement et cherche à démontrer que celui-ci résulte d’un complot fomenté par une minorité active » 
Afin de faire d’une pierre deux coups, je vous propose également la définition, à peine plus ancienne (2012) de conspirationniste, selon le même Larousse : « Se dit de quelqu’un qui se persuade et veut persuader autrui que les détenteurs du pouvoir (politique ou autre) pratiquent la conspiration du silence pour cacher des vérités ou contrôler les consciences » 
 
J’entends donc par ce texte défendre la thèse que Michel Drac ne verse dans aucun de ces courants de pensée. Je traiterai des deux définitions citées précédemment, les deux ensembles définis par ces termes se superposent très largement selon mon analyse. Les conspirationnistes ayant très souvent, voir systématiquement recours au complotisme pour faire rentrer de force les évènements dans leur grille d’analyse. 
 
Je souhaite, avant de débuter mon argumentation à proprement parler, expliquer un peu plus en détail ma démarche. J’estime que tous les individus sont plus ou moins conspirationnistes, à des degrés divers. Il ne s’agit pas d’avoir une pensée binaire et absolue, mais de considérer que nous nous situons tous quelque part sur le continuum du conspirationisme, entre le plus absolutiste des anti-conspi, et le plus atteint des paranoïaques. Ce texte est à appréhender comme un plaidoyer de défense de Michel Drac, qui plaide en faveur de la négation radicale de son conspirationnisme, et qui se doit d’être lu en résonance avec le plaidoyer défendant la thèse inverse, rédigé par notre camarade Helleno-chrétien. 
 
1- 
Le premier élément de défense en faveur de Michel Drac, et celui qui me paraît également être le plus solide, se situe dans son sempiternel scepticisme. Il prend des précautions nombreuses et variées pour avertir l’auditeur que ses propos n’engagent que lui, et qu’il ne communique au travers de son travail rien de plus que sa vision personnelle et partiale des évènements mondiaux. A aucun moment MD ne tombe dans le travers commun à l’ensemble des conspirationnistes, et qui est repris dans les deux définitions introductives à ce texte, celui de prétendre posséder la vérité, à la fois incontestable et inaccessible à qui n’a pas le bon logiciel d’analyse. MD, comme toute personne cultivée, appréhende bien l’étendue de son ignorance, et de ce fait, il se limite à la formulation ou la classification d’hypothèses pour expliquer le cours des évènements. Le conspirationniste, en revanche, ne doute pas, il sait et comprend ce que vous ignorez. 
 
2- 
Le second point qui dédouane MD de la pensée complotiste, c’est la nature même de sa démarche intellectuelle, qui ne correspond pas au comportement typique du conspirationniste. Là où un Alain Soral va rechercher soigneusement, complot par complot, des éléments à charge, et uniquement à charge, pour accréditer sa version des évènements, MD multiplie les sources de documentation afin de cerner les évènements de la façon la plus objective possible. De la même manière, il s’attache à penser le problème qu’il étudie sous ses aspects les plus prosaïques, mais également à prendre de la hauteur afin de contextualiser ses propos dans un cadre plus large (géopolitique, économique etc.). Si une contradiction apparaît, il ne cherchera pas à la dissimuler ou à nier son existence, il assumera cette fausse note et rappellera sans doute à cette occasion son absence de certitude définitive. 
De la même manière, il refuse de céder au manichéisme lorsqu’il étudie un individu au travers de la lecture de l’un de ses ouvrages. La pensée manichéenne semble être consubstantielle au conspirationnisme, c’est en tout cas un travers que l’on retrouve de manière quasi-systématique chez les conspirationnistes. MD ne verse pas dans cette vision simpliste de l’être humain, il considère les Hommes comme des êtres complexes. En ce sens, il ne satisfait pas à la définition du niveau 1 du complotisme développé par notre camarade Helleno-Chrétien. Il reprends bien les catégories dont il est question, qui sont nécessaires pour discuter de la politique, mais il reconnaît les limites de ces catégories et ne leur attribue pas des qualités individuelles propre aux être humains. Le complotiste imagine la bourgeoisie comme un ensemble homogène, lui attribut une volonté propre et une action coordonnée dans un but défini. MD a une pensée bien plus subtile, utilisant les catégories économiques tout en les recoupant avec d’autres grilles d’analyse. 
 
 

Michel Drac est-il complotiste ? Non.

3- 
La tentation est forte d’assimiler MD aux conspirationnistes qu’il fréquente. De fait, il semble s’entourer de manière systématique de nombreux complotistes, dont les visions du monde ne semblent par ailleurs pas toujours très conciliables. Ceci étant dit, c’est aller un peu vite en besogne que d’affubler MD du titre de conspirationniste par sa proximité avec le milieu des experts du complot. Il relaye de fait des complotistes acharnés via sa maison d’édition, mais le travail d’un éditeur peut également consister à diffuser des documents qu’il juge intéressants, des hypothèses non vérifiées mais qu’il estime dignes d’être communiquées, considérant ainsi que le lecteur saura se faire sa propre opinion. Venant d’un individu qui s’attache à multiplier les points de vue lors de ses recherches personnelles, en incluant les plus incongrus, la démarche parait cohérente. A notre époque de chasse aux sorcières de la mal-pensance, le seul fait de douter ou de laisser la parole à certaines hypothèses vous vaut un sévère coup de bâton, voire pire. MD semble s’arc-bouter sur un parti-pris radical, celui de s’interdire d’exclure une quelconque hypothèse de son champs d’étude. Seules les preuves factuelles permettent de discréditer une théorie, en l’absence de ces preuves, le doute est toujours permis. La pondération et l’exercice du jugement permettent de classifier les théories, permettant ainsi de rappeler régulièrement que les théories du complot sont bien souvent les moins probables tant du point de vue du bon sens que des statistiques. 
 
4- 
Les spectateurs avisés de MD auront sans doute noté ses régulières petites allusions et autres clins d’œil suggestifs lors de l’évocation de certains personnages publics, ou certaines communautés religieuses. La encore, il est tentant de qualifier cela de conspirationnisme déguisé, les spécialistes du genre étant passé maitres dans l’art de suggérer le complot d’un petit air mi-amusé mi-entendu, laissant entendre que prononcer une parole supplémentaire leur ferait risquer le procès, sinon la mort. Les allusions entendus de MD sont en réalité relativement peu nombreuses, le bonhomme préférant en général formuler plus directement sa pensée, quitte à choisir ses mots avec précaution. Ses petits clins d’œil entendus semblent plutôt réservés à l’évocation de collusions tendancieuses, à l’image de l’indignation à géométrie très variable d’un BHL, montant au créneau pour défendre F.Haziza lors de son affaire de harcèlement sexuel. On pourra reprocher au logiciel de MD d’accorder trop d’importance aux réseaux occultes et, parlons franchement, à une sorte de maçonnerie juive. C’est une critique raisonnable. En revanche, nier l’importance des réseaux dans les rapports de pouvoir en France comme dans le monde relève d’une bêtise similaire au complotisme. Voir des complots partout est idiot, considérer que la politique ne se fait que par des individus isolés l’est tout autant. 
 
Conclusion 
Il y a certainement des reproches à faire à MD sur sa manière de considérer le monde, et plus encore sur sa manière de communiquer sa pensée, surtout lorsque l’on considère le public auquel il s’adresse. De l’extérieur, MD a plusieurs marqueurs du complotisme, et il ne se donne pas toujours la peine de bien discerner dans ses propos complotisme et activisme de certains minorités ou réseaux d'influence. 
Lui-même fait la distinction entre les élites d’une minorité religieuse qui s’organisent pour défendre des intérêts particuliers, et l’ensemble des membres de cette minorité. Là ou le complotiste ne voit que des blocs homogènes qui se font face, avec des intérêts et un plan d’action communs, MD considère le monde comme une lutte permanente d’individus qui s’appuient sur les réseaux dont ils disposent. La ressemblance est indéniable, mais la différence est fondamentale. 
Ma conviction est que MD n’est pas complotiste, malgré les apparences. Ses amitiés douteuses et sa radicalité intellectuelle jouent contre lui, mais pour qui étudie bien ses propos et sa méthode d’analyse, les plus petits dénominateurs communs du conspirationnisme n’y sont pas. 

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