La librairie de la discorde

Début juillet 2018, Vincent Lapierre quitte Égalité & Réconciliation pour se consacrer intégralement à sa chaîne « Le média pour tous » (où il conservait ses anciens reportages). 
 
> Vidéo :
Vincent Lapierre quitte E&R  
Site du Média Pour Tous  

Alain Soral se contentera d'un simple et poli « bonne chance », contrastant avec son habituelle verve rancunière (notamment à l'encontre Jacob Cohen qui était le dernier parti d'E&R à l'époque). Du coup, les spéculations allaient bon train :  combien de temps faudrait-il au Master pour cracher sur son ancien protégé ? Réponse : trois mois. 
Pas si mal, vu qu'on s'attendait plutôt à trois jours... 

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Avant de parler de ce énième drama soralien (pour les plus pressés, une compilation de ses invectives se trouve en annexe N°1 de cet article), il convient de replacer l'affaire dans son contexte. 

Revenons en 2004 lors de la fameuse attaque de la librairie « Au pays de Cocagne ». Soral y était en dédicace lorsque des militants juifs ont débarqué pour frapper les gens (Soral s'étant bien planqué -comme le raconte Nabe dans les Porcs). François Bousquet qui avait des affinités à l'époque avec le soralisme fera partie des victimes. On peut le voir dans la vidéo de l'attaque à 1m02s assis par terre avec un bandage autour de la tête.   
Le 10 septembre, le journal L'Express s'intéresse à l'endroit et écrit
un article à charge. Du coup, les antifas qui hibernaient jusqu'alors se réveillent et prennent le magasin pour cible

En 2005, le journaliste d'investigation Emmanuel Ratier (aujourd'hui décédé), crée la librairie Facta dans le 9e arrondissement de Paris. Le panel de livres proposés en fait bientôt un bastion culturel de l'extrême-droite. Un dénommé Vincent (pas Lapierre) y tiendra le comptoir. 
> Article:
Facta, la librairie «dissidente» du 9e  

Face à l'augmentation du loyer, la librairie ferme ses portes le 30 juin 2018. Dans le N°173 de la revue Éléments, on apprend (en page 4) que la librairie a ressuscité début juillet en s'installant dans le quartier latin (6e arrondissement) et qu'elle porte maintenant le nom «
La Nouvelle Librairie ». Il y est aussi dit qu'elle sera animée par François Bousquet (actuel rédacteur en chef d'Éléments) et Vincent, l'ancien libraire de Facta. 
 
Qui dit septembre dit rentrée littéraire et cette année, Éric Zemmour sort un nouveau livre (Destin français) et fait le buzz (notamment sur l'affaire des prénoms français). Zemmour est invité à La Nouvelle Librairie le 26 septembre pour une séance de dédicaces avec les lecteurs et une rencontre avec « les médias alternatifs et la réinfosphère » (voir annexe N°2 en fin d'article). Avant la tenue de l'événement, un groupuscule d'antifas appelle à faire d'une pierre (pas Lapierre) deux coups
contre l'essayiste et la librairie
 
 
La veille du jour-J, Closer (oui, le mag' people) annonce qu'il y'aura un dispositif policier
pour protéger les lieux à la suite de ces menaces.
Du coup, les antifas annulent leur action et en profitent
pour faire un rappel à la loi : il ne faudrait quand même pas l'enfreindre (hum...)  
 
Le 26 septembre, l'évènement prend place sous protection policière. Le public répondra présent et Vincent Lapierre fait son reportage à la fois sur la dédicace et la librairie en elle-même. Sa vidéo (non-intégrale) sortira le 5 octobre et bénéficiera d'un bon petit succès (265.000 vues en dix jours). 
> Vidéo:
Le public de Zemmour – Les Reportages de Vincent Lapierre 
 
Le lendemain (6 octobre), Alain Soral poste sur le réseau social VKontakte, des petites piques à l'encontre de Vincent Lapierre : 

https://image.noelshack.com/fichiers/2018/42/1/1539607938-soral-lapierre-vk.png  
Ces attaques ne passent évidemment pas inaperçues et les spéculations vont bon train sur les forums et réseaux sociaux : Soral va-t-il bientôt cracher son venin
 
La réponse arrive le 12 octobre lorsqu'Alain Soral publie une longue vidéo critique du reportage de Vincent Lapierre. 
 
> Vidéo:
Vincent à la Nouvelle Librairie : remarques sur les défaillances d’un travail critique 
> Pour une compilation des citations notables du Master tirées de cette vidéo, voir l'annexe N°1 en bas d'article. 

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Maintenant, regardons un peu le fond du discours de Soso.

Il parle du passage de Lapierre à Égalité & Réconciliation comme d'une période "héroïque". Il reproche à Vincent d'être passé du militantisme au journalisme, d'avoir cédé aux sirènes du vedettariat, de chercher le confort. Au fil de son discours, on comprend qu'à travers ses griefs, Soral a utilisé Vincent Lapierre comme une victime publique. L'idée de la victimisation prédominait sur la pertinence journalistique, c'est ainsi qu'à travers des reportages inintéressants comme celui sur le dîner du CRIF, Vincent se faisait passer pour un martyr pour la cause d'E&R. Dans la logique soralienne, la persécution est preuve de vérité : sans celle-ci, on vit dans le faux. Il est évident que c'est un biais psycho-idéologique proche du sectarisme. 
 
À un moment de la vidéo, Soral revient sur sa dernière discussion avec Lapierre où ce dernier lui aurait dit : « Le public jugera entre ton approche et la mienne ». Bien qu'il ait endossé le rôle de souffre-douleur pour E&R, Vincent Lapierre a toujours eu un capital sympathie plus développé que Soral et c'est finalement logique qu'il ait choisi de se séparer pour pouvoir tendre la main à des publics plus variés et ainsi mieux fédérer les gens.

Soral reste quant à lui engoncé dans ses schémas marxistes et critique la bourgeoisie amatrice de Zemmour, car c'est un public qu'il ne pourra jamais atteindre de par sa vision des choses. Il reproche à Vincent un embourgeoisement qui serait en contradiction avec son idéal Chaviste (Hugo Chavez). Plus qu'un idéal, c'est surtout le choix entre diviser ou rassembler qui prévaut en politique et sur le long terme, l'option soralienne de la division (on repassera pour la réconciliation...) a démontré toute son inefficacité au vu du nombre de gens qui lui ont tourné le dos. 
 
Dans sa vidéo, Alain Soral ne s'en prend pas uniquement à Vincent Lapierre mais aussi à François Bousquet, ouvrant ainsi un nouveau chapitre de "Soso contre le reste du monde". Soral le dit clairement: "Je suis en guerre avec Bousquet". D'après lui, la librairie Facta faisait 80% de son chiffre d'affaire grâce aux livres édités par Kontre-Kulture (note: il change plus tard pour dire que la librairie était composée à 80% de livres KK). Il accuse Bousquet d'avoir au fil des années quitté sa ligne anti-sioniste pour rejoindre les identitaires (d'où la tête de sanglier dans le magasin). Bousquet aurait aussi limogé Vincent, l'ancien libraire de Facta (à vérifier). Il prétend aussi que Bousquet profiterait de la vieillesse d'Alain De Benoist (essayiste et leader de La Nouvelle Droite) pour s'accaparer les rennes de la revue Éléments et lui faire prendre une direction national-sioniste. Il reproche à Bousquet de ne plus vendre de livres de chez Kontre-Kulture mais dit aussi en même temps: "on a refusé de vendre des livres à cette librairie et d'être mélangé à cette mascarade". On pouvait déjà lire l'inimitié entre Soral et les éditions Ring comme une guerre commerciale plus qu'idéologique: de même ici, La Nouvelle Librairie étant une concurrente de Soral. 

*
 
Le 15 octobre, en guise de "droit de réponse", Vincent Lapierre met à disposition
l'intégralité de son reportage sur Éric Zemmour.
Par rapport à la version courte, il aborde la question du communautarisme juif à partir de 22m45s (ce que Soral n'avait pas vraiment montré dans sa vidéo) 
 
En tout cas, entre Conversano qui déclare la guerre à la droite anti-raciste (dont Raptor et Papacito) et Soral qui poignarde son ancien lieutenant, la dissidence repart sur les chapeaux de roues après un été mollasson. Cela promet beaucoup de querelles (et non de quenelles) à venir pour passer l'hiver. 

--- ANNEXE N°1 --- 
 
Petit florilège des citations d'Alain Soral dans sa vidéo
sur le reportage de Vincent Lapierre
  
- "Les Gay Games où il est accueilli comme l'un des leurs" 
- Un interviewé :"Zemmour est gentil" Soral : "oui et il y'a aussi des officiers SS qui étaient très gentils" 
- À propos d'un interviewé : "Ca prouve que le type qui a une tête est un abruti" 
- Sur Vincent Lapierre (VL) : "Tellement content d'être co-opté par une bourgeoisie de droite [...] que ça semble lui suffire" 
- "Vincent, c'est un peu mon enfant, c'est moi qui l'ai formé [...] et là, on a l'impression que le whisky est devenu du canada dry, c'est plus tout à fait ça." 
- "Oui-Oui fait du journalisme politique" 
- Sur la neutralité de VL : "être neutre en temps de guerre, c'est rejoindre le plus fort" (sous-entendu les sionistes) 
- "Ce qui a fait basculer Vincent, c'est les selfies et les pouces bleus" 
- "Vincent c'est devenu un youtubeur" 
- à 27'50'', il imite VL: "moi aussi j'adore les livres" puis reprenant sa voix normale en guise de réponse: "Moi aussi j'adore les livres, connard!" 
- Insinuant que VL a eu un deal avec le libraire: "On se demande même si il n'a pas touché un petit billet" 
- Sur un interviewé : "Lui il a un bel avenir chez les enculés de droite" 
- "Le procès Méric où Vincent est allé faire son numéro" 
- Par rapport à Bousquet qui dit élargir sa palette (sous-entendu: de métiers), Soral lance: "Tu t'es bien fait élargir Bousquet et Vincent, je crois que t'es aussi un peu dans l'élargissement en ce moment"  
 
 
--- ANNEXE N°2 --- 
 
Le jour de la dédicace de Zemmour, les "journalistes" de l'émission TV "Quotidien" (TF1/TMC, animé par Yann Barthès) sont descendus sur place et ont voulu filmer à l'intérieur de la libraririe mais puisque l'évènement était réservé aux « médias alternatifs et à la réinfosphère », François Bousquet les a rabroués dans une courte séquence culte : 
 
Quotidien : Dites-moi Monsieur Bousquet, il y'a beaucoup de policiers devant votre librairie. C'est quoi le problème? 
François Bousquet : Vous n'êtes pas des journalistes. Vous êtes des clowns, vous avez un nez de clown. Vous ne m'intéressez pas. 
Q. : Il y'a beaucoup de policiers, c'est quoi le problème ce soir? 
F.B. : Vous êtes des clowns. Vous êtes des délateurs avec des nez de clowns, habillés en clowns. Pourquoi je vous répondrais? 
Q. : Je suis venu parce que... 
F.B. : [faisant signe à Vincent Lapierre de s'approcher] Viens. Je fais rentrer des journalistes. 
 
Vincent s'avance alors pour rentrer dans la librairie avec un grand sourire, narguant de Quotiden. Et là, le grand journalisme d'investigation de chez TF1 colle sur la vidéo le texte descriptif sur Vincent Lapierre: "Journaliste de la télé d'extrême-droite TV Libertés". Fake news démontable en deux clics (Lapierre ne travaille pas pour TV Libertés) : du journalisme mainstream comme on les aime... 
 

Séquence sur Twitter.

https://image.noelshack.com/fichiers/2018/42/1/1539607631-tepa-quotidien-lapierre-tvlibertes-png.jpg

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